La grande interview: Olivier Foro (2)

Deuxième volet de l’interview d’Olivier Foro, premier directeur de l’Interprofession de la vigne et du vin.

Comment étaient les rapports l’IVV avec l’Etat à cette époque ?
Ils étaient excellents. Au laboratoire cantonal, on avait Célestin Thétaz, un homme d’ouverture. Et Pierre-Georges Produit, chef de service, un homme très ouvert, pondéré… C’était une ambiance bon enfant et j’ai beaucoup pu m’appuyer sur les compétences des gens de l’Etat. J’étais novice, et la porte était toujours ouverte. L’Etat apportait un côté stabilisateur et non pas perturbateur. Je pense que c’était dû à la personnalité des gens en place. Et comme on démarrait le projet, il n’y avait pas de raisons d’avoir des positions tranchées. Eux défendaient bien sûr les conditions-cadres vitivinicoles.

Aujourd’hui, les frottements sont constants entre l’Etat et la branche. Avec le recul de quelqu’un qui a changé de métier, ça vous étonne ?
Tout à fait. Je trouve cela particulièrement frustrant et contre-productif. Je le répète, c’est très certainement lié aux personnalités. Il faut arriver à créer une alchimie, une confiance. On peut ne pas être d’accord et échanger tout de même. Manifestement, les personnalités aujourd’hui autour de la table ont de la peine à faire le pas, à aller vers l’autre. Quand ça part comme ça en déconfiture, c’est extrêmement négatif. De part et d’autres, bien sûr. L’Etat du Valais a tout intérêt à avoir de bons contacts avec la branche et, surtout, la branche avec l’Etat du Valais. Quand un tel antagonisme se crée, tu te dis que de part et d’autre, ils ont fait faux.

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Olivier Foro en 2002, lorsqu’il était directeur de l’IVV

On a l’impression que dans le monde du vin, certains dénient le droit à l’Etat de donner certaines impulsions, et même de les imposer… C’est un peu normal, quand on sait tout le soutien financier accordé par l’Etat à la viticulture, non ?
Bien sûr. Ils ne peuvent pas rester les bras croisés et se contenter d’entériner et de signer le chèque à la fin. L’Etat, c’est le gardien du temple. A l’époque, on avait trouvé le juste milieu, qui satisfaisait tout le monde. On avait mis en place l’AOC, on voulait tirer ces AOC vers le haut. On a trouvé un juste milieu qualitatif, entre ceux qui voulaient moins et ceux qui voulaient encore plus… A un moment, il faut trouver une solution et c’est un signe d’intelligence d’obtenir un compromis. L’IVV, c’est un organe de négociation. Il ne faut pas l’oublier.

Le directeur de l’IVV doit maintenir l’équilibre entre les deux familles, négoce et production. C’est une peu le fil du rasoir, non ?
C’est une évidence qu’on ne peut pas avoir de parti pris. Comme un arbitre, tu ne peux pas siffler pour l’un ou pour l’autre. Même si tu as des préférences, ou des sympathies. Il y a un côté ambassadeur. Bien sûr, chacune des familles essaie de te convaincre que ses intérêts économiques sont primordiaux. Mais il faut avoir un certain recul et ne pas se laisser happer par l’un ou l’autre groupement. Car si l’on balance d’un côté ou de l’autre, c’est très mauvais.

Aujourd’hui, le directeur ne s’exprime que lorsqu’on évoque le marketing. Plus question pour lui de s’exprimer sur les aspects plus politiques de l’IVV. C’est la solution de rester à l’écart de la mêlée ?
C’est une configuration un peu étonnante. Dans le cahier des charges que j’avais, le directeur était le porte-parole, l’interlocuteur de l’Interprofession… Mais bon, il a désormais été décidé, et c’est un choix que je ne critique pas, que ce serait le Président de l’IVV qui endosse cette mission, et que le Directeur se cantonne dans un rôle d’homme de marketing. S’ils estiment que c’est la bonne alchimie, pourquoi pas… C’est une question de personnalités. Le Président va au feu et on laisse travailler le Directeur dans une certaine sérénité pour qu’il puisse se concentrer sur sa mission. C’est une option qui se défend. Actuellement, il est difficile pour un seul homme de vendre l’image des vins valaisans tout en éteignant les incendies. C’est probablement pour ça qu’ils ont choisi de fonctionner en binôme et scindant les thématiques. Le jour où la sérénité sera rétablie, le Président pourra se faire plus discret et laisser davantage de champ au Directeur.

Pourquoi avoir quitté après seulement trois ans ?
C’est très court, effectivement. Mais c’est un peu le destin, le hasard. Les bains d’Ovronnaz où j’avais travaillé à mes débuts durant 7 ans, ont repris contact avec moi, me proposant de revenir. D’un autre côté, je me rendais compte que l’IVV, c’était éminemment économique, politique, et moins marketing. Pour moi, qui suis un homme de communication et de marketing, j’ai saisi cette opportunité de retourner dans le thermalisme où j’étais davantage appelé à faire ce pour quoi j’étais formé. Mais sans cette proposition, j’aurais sûrement encore fait deux ou trois ans à l’IVV.

Un Directeur qui n’a aucun rapport avec le vin, c’est une bonne ou une mauvaise option ?
Il faut avoir un minimum d’intérêt, c’est une évidence, mais je ne suis pas convaincu qu’il faille à tout prix un homme du sérail. Des spécialistes du vin, il y en a suffisamment autour de la table. Un homme de la profession aura à coup sûr des partis pris, en fonction de son passé…

Suite et fin demain

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About Paul Vetter

Paul Vetter, journaliste spécialisé dans le domaine vitivinicole pour la chaîne de télévision valaisanne Canal9. Ce blog n'engage cependant pas la chaîne.
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